08.03.2025

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Stefan Leppert Critique de livre : Kamel Louafi – Jardins entre Alger et Berlin

Kamel Louafi - Gärten zwischen Algier und Berlin' de Stefan Leppert - un voyage inspirant à travers l'œuvre de cet architecte paysagiste renommé. Crédit photo : Photo de couverture : Gerhard Pritzlaff.

Kamel Louafi - Gärten zwischen Algier und Berlin' de Stefan Leppert - un voyage inspirant à travers l'œuvre de cet architecte paysagiste renommé. Crédit photo : Photo de couverture : Gerhard Pritzlaff.

“Ce livre retrace le parcours de l’Allemand d’Algérie Kamel Louafi, qui s’est retrouvé en Allemagne à l’âge de 27 ans, où il est resté, a étudié et est devenu architecte paysagiste”, annonce le texte de la couverture du livre de Stefan Leppert “Kamel Louafi – Gärten zwischen Algier und Berlin”. Une description modeste pour un architecte paysagiste renommé comme Kamel Louafi. Il a percé avec l’aménagement de l’exposition universelle EXPO 2000 à Hanovre. Quelque 23 ans plus tard, il a reçu la Croix fédérale du mérite pour son travail. Dans son livre, Leppert accompagne la carrière professionnelle et personnelle de Louafi et esquisse les caractéristiques particulières de sa philosophie d’aménagement.

Stefan Leppert lui-même est pépiniériste de formation et a étudié l’aménagement du territoire à l’université des sciences appliquées avant de commencer à travailler comme rédacteur pour Garten+Landschaft en 1995. Cinq ans plus tard, il a fondé son propre bureau de rédaction et travaille depuis lors comme auteur, photographe et journaliste. Il a notamment traduit plusieurs livres sur le jardin et publié ses propres œuvres – dont l’ouvrage “Gärten und Wüste” (Jardins et désert), qui a reçu le Prix allemand du livre de jardin. Il a fait la connaissance de l’architecte paysagiste Kamel Louafi alors qu’il travaillait encore pour Garten+Landschaft, lorsqu’il en a fait le portrait en 1997 pour la série Landschaftsarchitektur im Profil.

Depuis, quelques années ont passé et beaucoup de choses se sont passées. Kamel Louafi compte parmi les grands noms de l’architecture paysagère et Leppert l’a accompagné au fil des décennies. En 2020, l’architecte paysagiste s’est retiré de la vie active du bureau et en 2024, Leppert a finalement publié le livre sur Kamel Louafi. Lorsqu’on lui demande pourquoi il a fait le portrait de Louafi, l’auteur écrit lui-même dans la préface : “Cela a en effet à voir avec, au-delà de son art de la conception de jardins et de paysages, cette manière de se donner, cette conscience de la coexistence, une attitude dans la profession et dans la société”.

Leppert retrace cette attitude sur environ 175 pages. Il commence par mettre en lumière, sous forme d’extraits, le parcours de Louafi. Il décrit entre autres sa jeunesse en Algérie et la manière dont sa famille l’a marqué jusqu’à aujourd’hui. Il évoque ensuite le travail de cartographe de Kamel Louafi et la manière dont il s’est rendu pour la première fois en Allemagne en 1979, dans le cadre d’un projet forestier mené en collaboration avec la Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit. Il a ensuite étudié l’aménagement du paysage à l’université technique de Berlin. Après son diplôme, il a commencé à travailler dans le bureau MKW Müller Knippschild Wehberg – aujourd’hui Lützow 7, sans Elmar Knippschild – et s’est occupé, en tant que chef de projet, de grands projets complexes comme les jardins du Musée juif de Berlin ou les espaces extérieurs de l’école Heinz Galinski à Charlottenburg. Leppert voit déjà dans ces premiers projets l’attitude de Louafi qui mettait son travail au service du dépassement des différences religieuses : “Il s’agissait toujours pour Louafi de placer cette motivation culturelle au centre de son travail, de jeter des ponts, de surmonter les frontières”.

En 1994, Louafi a finalement quitté le bureau et, après un bref partenariat avec Jörg Saupe, il a alors décidé de se concentrer uniquement sur des concours d’architecture paysagère pure. Cette stratégie s’est avérée payante : en 1996, il a remporté le concours pour l’aménagement de l’Expo 2000 à Hanovre – un projet de planification gigantesque qui l’a rendu célèbre au niveau international. Dans son livre, Leppert ne fait qu’esquisser l’aménagement des sous-secteurs, dont les jardins en mutation, le parc sud de l’EXPO et le parc Agricole. Outre les concepts de planification, il décrit les défis que Louafi a dû relever pendant la planification de l’Expo. Outre les attentes élevées envers un architecte encore peu connu à l’époque, il y avait aussi des obstacles imprévisibles, comme la fertilisation défectueuse de 2.000 arbres qui ont dû être dégagés à grands frais. Finalement, tout s’est bien passé et Louafi s’est fait un nom.

Bien que les commandes l’aient attiré, Louafi a de nouveau réduit la taille de son bureau après l’EXPO2000, il a continué à concevoir lui-même. Et il a continué à se limiter à des projets d’architecture paysagère. Leppert le cite en disant que lorsqu’on a trouvé son style, on perd complètement la compréhension des idées et des souhaits parfois étranges des architectes en bâtiment. Dans la suite du livre, l’auteur explique à l’aide d’autres projets ce qui caractérise le style de Louafi. L’architecte paysagiste Louafi dit : “Il a toujours été important pour moi de déduire les éléments essentiels de mes projets d’ une phrase abstraite ou littéraire ou philosophique, d’une formulation”.

Leppert illustre cette approche par plusieurs projets, dont le jardin islamique oriental de Berlin-Marzahn, des projets pour les baies d’Alger et de Doha ainsi que différents concepts d’exposition. L’un des points forts du livre est une visite de Berlin, au cours de laquelle Louafi présente des lieux personnels. En outre, un chapitre est consacré à un dialogue questions-réponses entre l’auteur et l’architecte paysagiste, qui donne un aperçu supplémentaire de sa façon de penser, mais aussi de son quotidien.

Le dernier tiers de l’ouvrage contient une friandise particulière. Ainsi, Leppert accompagne Louafi lors d’une visite de Berlin, au cours de laquelle celui-ci montre des lieux personnels. De plus, un chapitre est conçu comme un court jeu de questions-réponses entre l’auteur et l’architecte paysagiste.

A d’autres endroits, le livre prend toutefois une tournure plus sérieuse. Dans trois chapitres intitulés Fremdsein, Leppert aborde les difficultés auxquelles Louafi a été confronté en tant qu’architecte algérien en Allemagne. Il s’agit non seulement d’expériences discriminatoires dans le contexte universitaire, mais aussi de la non-prise en compte de ses projets importants et de sa personne, ainsi que de tensions avec la Société allemande d’art des jardins et de la culture du paysage (DGGL). En effet, de nombreux hommages lui ont été rendus après la fin de sa vie active de concepteur. En 2023, il a notamment reçu la Croix fédérale du mérite.

Leppert écrit sur tous ces événements dans un langage léger et décontracté, comme s’il s’agissait d’un vieil ami. Des photographies isolées et des représentations de plans complètent les écrits. À la fin, on trouve une présentation des projets réalisés et non réalisés. Dans l’ensemble, le livre donne une vue d’ensemble passionnante – mais il aborde également des thèmes qu’il serait souhaitable d’approfondir davantage.

Une petite critique concerne la brièveté partielle des chapitres. L’œuvre de Louafi aurait certainement offert suffisamment de matière pour un examen plus approfondi et plus détaillé. Néanmoins, le livre offre un aperçu passionnant de son œuvre et suscite la curiosité d’aller plus loin dans l’étude de son travail. Leppert parvient à présenter de manière impressionnante l’essence de l’attitude et de la philosophie architecturale de Louafi.


Conclusion

“Kamel Louafi – Gärten zwischen Algier und Berlin” est une biographie réussie qui ne retrace pas seulement la carrière d’un architecte paysagiste remarquable, mais qui capture également son attitude sociale et culturelle. Avec un mélange réussi de connaissances spécialisées, d’anecdotes personnelles et d’aperçus photographiques, le livre offre une lecture enrichissante aussi bien aux spécialistes qu’aux personnes intéressées en général.

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