02.03.2025

Expositions

Musée des musées de Cologne

L'exposition "Museum der Museen" au Wallraf-Richartz-Museum de Cologne retrace le parcours de la création du musée. Karl Louis Preusser : Dans la galerie de Dresde, 1881, Staatliche Kunstsammlungen Dresden, Galerie Neue Meister. Photo : Elke Estel/Hans-Peter Klut

L'exposition "Museum der Museen" au Wallraf-Richartz-Museum de Cologne retrace le parcours de la création du musée. Karl Louis Preusser : Dans la galerie de Dresde, 1881, Staatliche Kunstsammlungen Dresden, Galerie Neue Meister.
Photo : Elke Estel/Hans-Peter Klut

En l’honneur de Ferdinand Franz Wallraf (1748-1824), dont on célèbre cette année le 200e anniversaire de la mort, le Wallraf-Richartz-Museum a développé une exposition spéciale intitulée “Musée des musées”. L’exposition emmène les visiteurs dans “un voyage dans le temps à travers l’art d’exposer et de voir”, comme le complète le sous-titre de l’exposition. Les visiteurs découvrent les débuts et les formes préliminaires de nos musées actuels et le WRM part de là pour se projeter dans l’avenir en s’interrogeant sur le musée du futur.

Le voyage dans le temps commence dans les cabinets d'art et de curiosités, créés à la fin du 16e siècle. Cabinet d'art de l'apothicaire napolitain Ferrante Imperato Gravure sur cuivre tirée de : Imperatos Dell`Historia naturale Naples, 1599. photo : Wikimedia
Le voyage dans le temps commence dans les cabinets d'art et de curiosités, créés à la fin du 16e siècle. Chambre des arts de l'apothicaire napolitain Ferrante Imperato Gravure sur cuivre tirée de : Imperatos Dell`Historia naturale Naples, 1599. photo : Wikimedia

Des cabinets d'art et de curiosités aux collections bourgeoises

L’histoire du développement du musée est retracée en neuf salles et sept chapitres. En commençant par les cabinets d’art et de curiosités, d’abord entretenus par les nobles puis par les savants, les visiteurs sont emmenés dans un voyage dans le temps. À partir de la fin du 16e siècle, les princes et princesses ont commencé à constituer des cabinets d’art et de curiosités qui allaient perdurer jusqu’au 18e siècle. Dans la deuxième salle de l’exposition “Musée des musées”, les conservateurs ont reconstitué un cabinet d’art et de curiosités. Ces premières collections réunissaient des objets d’art (Artificialia), des objets naturels (Naturalia), des objets provenant de pays lointains (Exotica), des curiosités (Mirablila) et des instruments scientifiques (Scientifica) provenant de toutes les parties du monde connues à l’époque. Tous les objets étaient exposés côte à côte et sur un pied d’égalité. L’objectif était alors d’expliquer et de représenter le monde, comme le raconte la conservatrice Dr Anne Buschhoff. Cette première forme de musée n’était toutefois pas accessible à tous, mais réservée à un cercle d’élite. Au fur et à mesure des découvertes, comme par exemple de nouvelles parties du monde, les collections ne cessaient de s’agrandir, si bien qu’il devenait de plus en plus difficile de les structurer et de les classer. Il fallait donc trouver un nouveau concept : des cabinets d’histoire naturelle, des collections d’antiquités et des galeries de peinture ont vu le jour. Des images de galeries réalisées à Anvers à partir du début du 17e siècle permettent aux visiteurs de voir à quoi ressemblaient ces galeries de peinture. Il est intéressant de noter que des collections de peintures tant réelles que fictives ont été réalisées par les artistes. Grâce à un tableau de galerie de David Teniers le Jeune (1610-1690), l’exposition permet de reconstituer une partie de la collection de l’archiduc Léopold Guillaume (1614-1672) : Le peintre et l’archiduc se tiennent ensemble dans une pièce où les tableaux se pressent jusqu’au plafond dans l’accrochage pétersbourgeois. Mais la noblesse n’est pas la seule à collectionner, la bourgeoisie commence elle aussi à collectionner de plus en plus d’œuvres d’art et à les disposer de manière similaire, bien qu’à une échelle plus petite que la noblesse. La collection de miniatures du maître pâtissier de Francfort Johann Valentin Prehn (1749-1821) en est un exemple.

Les visiteurs découvrent les galeries de peinture que de nombreux peintres ont immortalisées sur des tableaux de galerie. Galerie de peinture de Ferdinand Brütt, 1887, Museum Giersch, Francfort. Photo : Musée Giersch
Les visiteurs découvrent les galeries de peinture que de nombreux peintres ont immortalisées sur des tableaux de galerie. Galerie de peinture de Ferdinand Brütt, 1887, Museum Giersch, Francfort. Photo : Musée Giersch

Père des musées de Cologne

La quatrième salle de l’exposition est ensuite consacrée à Franz Ferdinand Wallraf, que l’on peut considérer comme le fondateur des musées de Cologne. Wallraf, fils d’un maître tailleur de Cologne, a étudié la médecine, le droit et la théologie et a commencé à collectionner pendant ses études de médecine. Parmi les objets qu’il collectionnait, il y avait des minéraux, des livres, des pièces de monnaie, des sculptures antiques en marbre, des peintures et des dessins. Sa collection a d’abord servi une ambition éducative universelle dans le sens d’un cabinet de curiosités et d’art. L’occupation française de la Rhénanie a entraîné un changement. Il sauva surtout des œuvres d’art qui étaient devenues orphelines en raison de l’abolition du pouvoir de la noblesse et du clergé et les intégra dans sa collection. Du vivant de Wallraf, une nouvelle idée de musée est née, très proche du musée tel que nous le connaissons aujourd’hui. Les musées devenaient publics, ce qui les conduisait cependant à devoir exposer différemment, afin que le public puisse se promener librement dans le musée sans guide. On commença donc à classer par écoles et par époques, ce que l’exposition met en évidence. La passion de Wallraff pour les collections allait porter ses fruits : après la mort de Wallraf, le Wallrafianum ouvre ses portes et présente sa collection au public à partir de 1827.

Les avant-gardistes ont développé de nouveaux concepts de musée au 20e siècle, comme ici "Rolywholyover A Circus" de John Cage au Museum of Contemporary Art de Los Angeles, 1993 . Photo : Julie Lazar
Les avant-gardistes ont développé de nouveaux concepts de musée au 20e siècle, comme ici "Rolywholyover A Circus" de John Cage au Museum of Contemporary Art de Los Angeles, 1993 . Photo : Julie Lazar

Les musées en mutation

La sixième salle de l’exposition “Musée des musées” montre que les musées sont toujours soumis à des changements. À partir des années 1910, on commença à présenter les œuvres d’art différemment à Cologne également. L’accrochage pétersbourgeois, qui empêchait souvent les visiteurs de garder une vue d’ensemble, fut remplacé par l’accrochage progressif. Les œuvres d’art ont désormais été accrochées sur des murs clairs, à distance les unes des autres et en nombre nettement moins important.
L’exposition de Cologne ne se consacre toutefois pas uniquement à l’exposition, mais aussi, comme l’annonce le sous-titre, à la vision. Ainsi, de plus en plus d’artistes ont montré comment les visiteurs agissaient dans les musées. Ce faisant, le public se voyait aussi souvent exposé aux moqueries des artistes, lorsque ceux-ci représentaient dans leurs caricatures le public comme peu éduqué, mais néanmoins très ignorant.
Au 20e siècle, des avant-gardistes ont ensuite développé des approches muséales expérimentales. Daniel Spoerri (né en 1930) a développé le “Musée sentimental”, qu’il a présenté à Cologne en 1977 dans une nouvelle présentation à l’invitation du Kölnischer Kunstverein. Sous le nom de “Musée sentimental de Cologne”, des œuvres d’art et des reliques rencontraient des objets du quotidien qui reprenaient et représentaient les histoires de la ville de la cathédrale. Le compositeur et artiste John Cage (1912-1992) a conçu le “Rolywholyover A Circus”, le concept du musée a été présenté pour la première fois en 1991. Le concept prévoit qu’un musée demande à ses voisins de choisir au hasard des pièces de leurs propres collections. Celles-ci sont ensuite placées dans l’espace d’exposition par des opérations aléatoires. Le Wallraf-Richartz-Museum a repris ce concept et a demandé à ses musées voisins de lui prêter des œuvres. Celles-ci sont désormais présentées comme le hasard le veut, un programme informatique se chargeant de cette tâche.
Par ailleurs, l’exposition pose également la question de l’avenir de l’exposition. Dès le 19e siècle, avec l’émergence de nouvelles possibilités techniques, le musée sort de ses murs. Cette évolution s’est poursuivie au 20e siècle et, de nos jours, l’exposition et la vision de l’art ne se limitent plus aux salles de musées ou de collections privées. Le dernier chapitre de l’exposition est consacré à cette évolution.

L’exposition “Musée des musées” au Wallraf-Richartz-Museum de Cologne aura lieu du 11 octobre 2024 au 9 novembre 2025. Elle est accompagnée d’un catalogue édité par Anne Buschhoff, Wulf Herzogenrath et Ricar

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