Lors des étés caniculaires de 2018 et 2019, Francfort-sur-le-Main a enregistré les températures moyennes annuelles les plus élevées de toute l’Allemagne. En tant que cinquième ville d’Allemagne, elle est également confrontée au défi de l’urbanisation. Celle-ci se fait notoirement au détriment des espaces verts. La ville en est encore bien pourvue – la moitié des surfaces sont vertes ou bleues et il y a environ 200 000 arbres. Cependant, sa situation dans le bassin Rhin-Main ne permet qu’un faible échange d’air. Comment Francfort réagit-elle au réchauffement dû au changement climatique ?
L'atlas climatique montre clairement les points chauds. Ceux-ci combinent un fort rayonnement solaire, un faible échange d'air et un manque d'espaces verts. Image d'Elmer L. Geissler via Pixabay
Francfort reconnaît le rôle important du vert et du bleu pour stabiliser le climat de la ville. “L’adaptation au changement climatique est la tâche centrale des services d’avenir et d’intérêt général à Francfort“, a déclaré Rosemarie Heilig, adjointe au climat et à l’environnement. La ville adapte les moyens disponibles afin que les mesures adaptées au climat soient transféréesle plusrapidementpossibledu niveau de la ville entière au niveau local.
D’une part, il faut pour cela des bases de données solides. C’est pourquoi Francfort élabore des expertises,des modèleset des simulations. Par exemple, l'”Atlas du plan climatique” résume les connaissances sur le climat urbain de manière compréhensible sous forme de cartes et sert de base d’évaluation. Les points chauds de Francfort y sont bien reconnaissables : toujours là où se conjuguent un fort rayonnement solaire, un faible échange d’air et un manque d’espaces verts. Il s’agit principalement du quartier des banques, des parcs industriels et de quelques zones résidentielles. En revanche, la ceinture verte, l’espace vert du Main, les rivières et les vents du sud-ouest et du nord-est apportent de la fraîcheur. D’autre part, Francfort poursuit un “double développement interne” : le développement des zones intérieures construites et l’augmentation simultanée des qualités des espaces libres. Dès 2008, la ville a réuni son savoir-faire au sein d’un “groupe de coordination du changement climatique”réunissant toutes les autorités. Il en a résulté la “stratégie d’adaptation de Francfort au changement climatique 2.0”.
Depuis 2022, Francfort fait également partie du programme“Global Sustainable Community Hessen”. Sur la base des dix-sept objectifs de durabilité de l’Agenda 2030, la ville élabore une stratégie qui agit au niveau communal et qui améliore la qualité de vie des citoyens*. Pour ce faire, “Frankfurt Green City” analyse les activités de durabilité existantes et résume les résultats dans un rapport de durabilité. Sur cette base, la ville développe ensuite une stratégie de durabilité concrète.
Ferdinand Ludwig : Francfort mise sur un soutien de renom
Examinons de plus près les mesures relatives à l’objectif de durabilité de la protection du climat. Francfort a mis en place trois instruments. Premièrement, le service de l’énergie lance régulièrement des concours d’idées sur le thème de la protection du climat. Deuxièmement, l’Office de l’environnement encouragela replantation d’arbres avec “Der geschenkte Baum” (l’arbre offert), en offrant un arbre à feuilles caduques lors de l’achat d’un terrain. Il y a ainsi déjà 1 100 arbres. Troisièmement, il existe le programme de promotion du climat “Frankfurt frischt auf – 50 % Klimabonus”. Celui-ci soutient les propriétaires de maisons et de terrains, les entreprises et les sociétés de construction de logements dans la réalisation de mesures actives sur le plan climatique. La ville prend en charge jusqu’à cinquante pour cent des coûts. De tels investissements peuvent consister en la végétalisation des toits et des façades, la désimperméabilisation ou encore des ombrages et des fontaines à boire utilisables par le public.
En 2023, Francfort a publié un guide sur la conception de places urbaines adaptées au climat. À l’avenir, les places devront être davantage orientées vers l’utilisation et offrir de la fraîcheur les jours de grande chaleur. Les citoyens auront davantage leur mot à dire. Des “vis de réglage“ permettent également de rendre le guide facilement applicable. La Paul-Arnsberg-Platz est une référence pour un tel réaménagement.
Dans sa lutte contre la chaleur, Francfortsouhaiteégalement devenir une “ville éponge”. Pour ce faire, elle optimise la structure urbaine grise, verte et bleue et mise pour cela sur le projet de recherche “Integrierte Strategien zur Stärkung urbaner blau-grüner Infrastrukturen (INTERESS-I)“ (Stratégies intégrées pour le renforcement des infrastructures urbaines bleues et vertes), en s’appuyant notamment sur le soutien de la chaire Green Technologies in Landscape Architecture de la TUM de Ferdinand Ludwig. Depuis 2018, INTERESS-I élabore par exemple des stratégies, des concepts, des projets et des réalisations concrètes pour Francfort. Dans ce cadre, la ville étudie toutes les options d’utilisation, de l’eau potable à l’eau industrielle. Pour un urbanisme durable, Francfort doit en outre garantir les flux d’airfroid qui aèrent le centre-ville. Pour que ces flux d’air restent intacts, il faut avant tout des espaces verts cohérents et de grande taille. C’est pourquoi le nombre, l’espèce et l’emplacement des arbres urbains existants et prévus sont optimisés. Mais la verdure au niveau du sol n’est pas la seule à avoir des effets rafraîchissants sur les bâtiments et leur environnement : les toitures et les façades végétalisées en ont également. Pour lutter contre l’effet d’îlot de chaleur urbain, la ville conseille également de limiter l’imperméabilisation des surfaces, de les désimperméabiliser et d’utiliser des matériaux à fort albédo. La construction de la crèche Sankt Philipp Neri en est un exemple. Le réaménagement a remplacé le sol asphalté par des espaces verts.
OBSTACLES À L'ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Cette année, la ville a adopté l’un des règlements les plus avancés d’Allemagne en matière de végétalisation des terrains et des bâtiments, le “Gestaltungssatzung Freiraum und Klima”. Elle oblige désormais les nouvelles constructions et les transformations à intégrer de la verdure sur les façades, les toits et les jardins. Le règlement sur les espaces libres est nécessaire car les réglementations existantes (plans d’urbanisme, règlement sur la protection des arbres, etc.) ne suffisent pas comme mesures d’adaptation au climat. Selon David Edelmann (Verts), la charte est une étape importante. Rosemarie Heilig (Verts) souhaiterait en revanche davantage de dispositions et de rythme : “Nous avons maintenant vu, au cours de trois étés de sécheresse, à quel point la ville peut se réchauffer. Seule une plus grande verdure peut y remédier“. Mais il y a aussi des critiques. D’un point de vue économique, la nouveauté freine l’activité de construction et augmente les coûts de construction. L’Union souhaite également alléger les statuts déjà révisés. On craint ainsi parfois des restrictions des droits de propriété. Mais le droit de disposer de gravier sur le toit ou dans le jardin n’est-il pas subordonné à l’intérêt général ?
En ce qui concerne les nouvelles zones de planification, les critères de protection du climat ont désormais plus de poids dans les concours et les plans. Les projets de construction doivent désormais faire l’objet d’un “contrôle climatique” et réagir aux études climatologiques. De plus, la ville sensibilise continuellement sescitoyens aux adaptations au changement climatique. Elle informe régulièrementet de manière transparente sur les nouvelles mesures par le biais de publications, de sites web, de lignes directes, d’applications, de visites guidées ou encore d’expositions.
QUEL EST LE DEGRÉ DE CHANGEMENT POSSIBLE ?
Malheureusement, les mesures de protection du climat de Francfort concernant l’Agenda 2030 ne sont pas encore très avancées. La ville appelle certes les citoyens à installer des fontaines à eau sur les propriétés accessibles au public. Mais jusqu’à présent, elle n’a réalisé que quelques points d’eaubien visibles. De plus, il n’existe un service climatique que depuis cette année. Le nouveau poste réunit désormais les contenus liés au changement climatique de l’unité Environnement et de l’unité Énergie. L’avenir montrera à quelle vitesse les décisions y seront prises et comment les interfaces seront définies.
Au niveau du quartier, le nouveau Europaviertel de Francfort peut sembler être un bon exemple. Il est en effet l’un des premiers quartiers urbains d’Europe à obtenir le certificat de durabilité Platine, en partie grâce au climat local positif du quartier. Mais le jardin européen qui en fait partie se distingue négativement. L’un des plus jeunes parcs de Francfort, il a été fermé pendant des années en raison de litiges juridiques. Aujourd’hui, l’espace a besoin d’être rénové et reste inutilisable.
En général, le passé montre que, malgré des idées de grande envergure, des mesures isolées ainsi que des programmes d’incitation et de conseil de la part de la ville ne suffisent souvent pas pour que les objectifs de protection du climat soient atteints. Les possibilités d’intervention réglementaire des municipalités restent limitées. Qu’est-ce qui peut donc aider ? Des dispositions légales plus détaillées au niveau fédéral et européen faciliteraient la mise en œuvre des programmes d’adaptation au climat au niveau local. Et n’oublions pas que des processus tels que “Fridays For Future” montrent que l’engagement citoyen peut également faire bouger les choses.
Plus d’informations sur ce sujet dans G+L 06/23.
Publié dans le cadre de l’initiative internationale Beat the Heat.